DESENCHANTER


Le confinement lié à la crise sanitaire que nous venons de traverser nous a fait vivre des expériences mentales, émotionnelles et physiques  jusqu’alors inconnues.
Je souhaite à travers cette performance creuser davantage ce vécu et les sensations qu’il a provoquées.
Dans ce temps confiné, le quotidien s’est dilaté, parsemé de silences, d’observations, de doutes ou de rêveries parfois. En tant que danseuse, deux premières semaines sans actions poétiques, musculaires,ou ludiques avec le geste. Juste une attention particulière à la simplicité des gestes et objets du quotidien pour tenir à distance l’angoisse. Une sorte de consolation du moment : bien réelle, palpable.Puis j’ai recommencé à inscrire dans le quotidien, un training. Pas extraordinaire, ni en quête de révélation, modeste, souvent très formel et mécanique.Je me contentais du peu qui s’offrait à moi. Et dans ce peu, je me surprenais à éprouver de temps en temps un réel bien être : une sorte d’épiphanie.Cela a fait écho à l’œuvre de l’écrivain américain Raymond Carver, auteur qui inspire mes créations depuis plusieurs années.Chez Carver, c’est au cœur même de la routine quotidienne, qu’intervient l’épiphanie. Elle n’est pas une révélation joyeuse ou libératrice, elle est désenchantement. Elle déçoit, elle dépoétise, elle désappointe.Cette  « épiphanie manquée » plante le lecteur, mais lui ouvre aussi la possibilité d’investir cet espace vide, suggérant l’hypothèse d’une consolation ou d’un contentement. * Ce sont ces sensations que nous expérimenterons.

Cette performance résulte de quatre jours de « confinement  » ( huit clos) dans un pavillon désaffecté de l’hôpital psychiatrique Barthélémy Durand à Étampes.
C’est à partir des détails et gestes du quotidien, anodins ou significatifs, que s’articule la matière de cette performance.
D’un point de départ constitué de fondamentaux sans but autre que la survie (dormir, se nourrir, s’entretenir) pourra naître une poésie personnelle propre ou commune. La volonté est celle de la plus grande ouverture. Cette performance joue aussi avec une projection vidéo, des images, et un travail sonore réalisé lors de ce huit clos à l’Hôpital.

Les artistes invitées:
Mïrka Lugosi avec qui je collabore depuis plusieurs années. Nos territoires cultivent des formes différentes mais dans le fond des « choses de la vie » nous nous retrouvons. Si le dessin occupe une grande partie deses créations, en parallèle elle expérimente le langage direct du corps. Cette complémentarité, entre projections mentales (dessin) et implications performatives enrichit son travail et nous donne envie de«  jouer » ensemble.
Bianca Ianuzzi avec qui j’ai fait des performances au Kosovo. Je l’ai entendue chanter du Schubert dansune taverne Serbe à 2 heures du matin après avoir enchainé en playback des variétés des Balkans.

L’aubergiste fut heureux, moi aussi.


* État, sentiment de quelqu’un qui ne désire rien de plus.